Styliste Créatrice de mode et Infirmière bénévole, Gaëlle tombe sous le charme, il y a 4 ans de l’Afrique et de ses palettes de couleurs. Elle créé Les gaZëlles, une association d’artisans africains qui confectionnent des objets de décoration et des accessoires de mode à partir du Bogolan. Découvrons comment les gaZëlles habillent et décorent en Bogolan.
Parlez-nous de votre structure Les gaZëlles et de vous, la fondatrice ?
Je m’appelle Gaëlle. Issue de deux nationalités, j’ai appris à naviguer entre deux cultures. Tisser des liens entre les différentes cultures, me motive et c’est ce que je fais à travers l’association Les gaZëlles. Arrivée en Afrique il y a 4 ans, j’ai eu un coup de foudre pour la nature que je retrouve à travers le bogolan (un tissu d’origine malienne). Sur place, la qualité remarquable du travail des artisans m’a aussi impressionnée.
La micro-entreprise Les gaZëlles est une association d’artisans africains créée en 2018 à Dakar qui évolue sur du Bogolan. Depuis 2020, Les gaZëlles ont déménagé à Abidjan afin d’y développer leur activité …
L’équipe de l’association est repartie entre trois pays : le Mali, le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Le circuit de fabrication et le choix du bogolan se font en deux étapes :
La première étape débute au Mali : l’équipe d’artisans y crée le pagne de bogolan. Cette équipe est constituée d’artisans du bogolan : elle va de la cueillette, au dessin par la technique ancestrale du bogolan en passant par le filage, le tissage, le dessin, les différents bains de teinture, le séchage… Il faut compter 4 mois pour arriver au produit fini.
La deuxième partie se situe soit au Sénégal ou en Côte d’Ivoire. Elle est composée de Maroquiniers, Ébénistes, Enlumineurs, Cordonniers, Tailleurs, Couturiers, Bronziers, qui œuvrent autour du pagne de bogolan pour la confection d’articles de mode et de décoration. La durée de confection d’un sac peut durer 5 mois par exemple.
Le Bogolan est votre matière source ; pourriez-vous nous en donner les raisons ? Présentez-nous ce tissu ?
Le bogolan est avant tout un procédé de teinture qui a donné son nom à un tissu provenant du Mali. C’est un pagne de coton biologique entièrement filé et tissé à la main. Ce tissu a attiré mon attention pour ces vertus thérapeutiques. On raconte que le bogolan soigne, il a donc en tant qu’infirmière suscité ma curiosité.
En effet, le bogolan est utilisé chez les jeunes accouchées ou chez les jeunes enfants circoncis car il aurait la particularité d’aider à la cicatrisation. Ce tissu est empreint de la pharmacopée africaine. Il agit comme un cataplasme, c’est un tissu magique.
De plus les couleurs du bogolan sont extrêmement belles, profondes et puissantes puisqu’elles sont directement issues de la palette de couleur africaine. On y retrouve la couleur de la terre latérite, le vert des arbres, le noir ébène ou le jaune or de la savane en fin de journée.
Nos bogolans sont fabriqués par deux coopératives maliennes. L’une fait de la réinsertion professionnelle et l’autre a pour objectif de créer une école en pleine brousse.
Quel est le procédé de fabrication du bogolan ?
Le Mali est le premier pays producteur de coton en Afrique mais l’exporte souvent en balles et donc sans avoir pu y apporter une véritable valeur ajoutée. Exporter du « bogolan fini » est donc bien plus rentable et équitable pour le producteur.
Après la constitution du tissu, en coton blanc naturel, le coton sera décoré à la main par des artisans qui n’utiliseront que des pigments naturels (décoction de plantes, de fleurs, ou de terre, et de cendres). Le pagne peint avec des pigments végétaux s’appelle le Basilan, le pagne teint avec des pigments minéraux est le Bogolan.
Les pigments sont fixés par une réaction chimique naturelle, en effet chaque tissu vierge est trempé dans une décoction d’écorces de Ngalama, bouleau africain, riche en oxydes de fer. Ce sont ensuite, ces oxydes de fer et les pigments naturels apposés avec le dessin qui exposés au soleil vont se fixer sur le coton.
Afin d’avoir une petite part de création dans toute ce travail en équipe, j’envoie mes dessins personnels au chef d’atelier qui les retranscrit au moyen de ce procédé ancestral. C’est donc un tissu 100 % naturel et 100% africain.
Votre structure est engagée dans des actions sociales et elle œuvre aussi pour un commerce équitable. Pourquoi ça vous tient à cœur ?
En tant qu’infirmière j’ai pour vocation de prendre soin des patients. Offrir du travail, c’est ainsi une autre façon de soigner. C’est pourquoi je cherche toujours à dénicher un nouvel artisan aux doigts en or, afin de créer un emploi.
Quand on travaille avec quelqu’un, on comprend à quel point la nature environnante est omniprésente et importante pour sa santé. Il me tient donc à cœur de travailler dans des conditions respectueuses de la personne et de son environnement.
Au moment de la crise sanitaire, j ai été touchée par la précarité dans laquelle certains artisans s’étaient retrouvés. Continuer à leur proposer du travail alors qu’ils ne vendaient plus grand-chose a ajouté du sens à cette entreprise. Cette situation a aussi créé des liens d’amitié au sein l’équipe Les gaZëlles.
En tant qu’infirmière en activité, comment arrivez-vous à trouver du temps, entre la création et la gestion de votre structure Les GaZëlles ?
C’est la passion qui m’anime. Je dors dans du bogolan, je rêve de bogolan. C’est donc avec bonheur que je me plonge et me roule dans le bogolan.
Pour concilier mes différentes activités d’infirmière et de « chef d’entreprise » en contexte COVID, j’utilise les moyens de communication modernes car j’ai la chance d’avoir des artisans hyper-connectés.
La plupart des commandes sont passées par appels ou messages WhatsApp, les paiements sont dématérialisés grâce à des applications comme Wizall et Orange Money et la vente se fait à la fois en boutique et en ligne sur mon site bogolan ou sur une plate-forme africaine de distribution yemayadesign
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ? Et quels sont vos projets ?
Pour la fabrication de plateaux par exemple, je récupère des chutes de bois. Cependant le climat est tellement humide, que le bois ne sèche pas facilement. Certains plateaux se fendent tout seul lors d’une variation de température, de climat ou de saisons. Nous sommes à la recherche de la meilleure solution pour réussir le séchage du bois avant de le travailler.
Comme projet, nous aimerions développer la confection de nos articles de maroquinerie à base de cuir végétal.
Quel est votre accessoire préféré en bogolan ? Celui qui vous accompagne partout en actuellement ?
J’aime tellement ce tissu que je le décline dans des objets du quotidien qui m’accompagnent tout au long de ma journée : sandales, ceintures, sac à main, housses d‘ordinateur… Le soir, je dîne dans un plateau repas imprimé bogolan. En fin de journée, j’éteins ma lampe avec son abat jour en bogolan.